Parler n’est pas seulement communiquer, mais faire dialoguer sa pensée avec elle même et s’exprimer pour exister avec les autres dans la Cité. Soutenir concrètement cette vision des choses, notamment auprès des jeunes, telle est la mission que s’est donné le Projet Europe, Éducation, École depuis 20 ans. Son ambition fait écho aux recommandations de René Descartes écrivant à la Reine Christine de Suède le 1er février 1650 : « l’on s’écoutera parler les uns et les autres avec douceur et respect ».

Implanté au lycée Jean Pierre Vernant de Sèvres, le Projet EEE propose à la francophonie un champ d’expression original, tant par son médium de visioconférences que par son public, lycéen et par son contenu, des locuteurs d’une grande diversité linguistique réunis en une agora philosophique.
Ainsi en 2023 il a diffusé en direct 20 heures d’activités :
– cours de philosophie (le temps, la tyrannie) ; conférences et échanges sur la démocratie face au défi de la désinformation, de la science, de l’intelligence artificielle ;
– programmes spéciaux : Prix lycéen du livre de philosophie et dictée européenne des lycées, pour tenter de faire de la francophonie un lieu de partage entre élèves, étudiants et professeurs à travers le monde.

Se déprendre de ses points de vue partisans, trouver des points d’engagement
croisés, des valeurs communes, sans jamais compromettre son libre arbitre, sont les
lignes de conduite constantes des acteurs du projet, qui prône mélange et métissage
culturels, et où parler français n’est pas seulement s’exprimer dans une langue, mais
encore promouvoir une cause humaniste éclairée et ouverte.
Czeslaw MICHALEWSKI

Quels sont les concepts qui peuvent être opératoires pour comprendre ce qui se joue au cœur de la cuisine, de nos assiettes, de notre table, de nos appétits et de nos dégoûts ? Cette question est-elle philosophiquement légitime ? Le mot « concept » n’est-il pas employé à toutes les sauces jusqu’à perdre toute consistance philosophique ? Ne faut-il pas ici rejoindre la prudence deleuzienne ? Sans doute faut-il être prudent et ne pas délivrer à tout chef de cuisine, aussi talentueux soit-il, le titre de philosophe... pas un chef aujourd’hui qui ne prenne la plume pour évoquer sa « philosophie » ; la cuisine devient un « laboratoire de concepts » : elle devient une des branches de la pop’philosophie... Mais enfin, doit-on prendre tout cela au sérieux ou au contraire s’en indigner comme le signe d’une imposture intellectuelle, la marque d’une époque où le mot concept est utilisé à tout va, hors de propos ? Y-a-t-il des concepts philosophiques véritablement opératoires pour comprendre ce qu’est la cuisine ? Qu’est-ce que la philosophie a bien à faire dans la cuisine ? Deleuze, cette fois dans Pourparlers, ouvre des rencontres possibles entre la philosophie et des lieux, des pratiques qui a priori en sont coupés ; cet espace Deleuze l’inaugure précisément comme « pop philosophie » (« la philosophie est dans un rapport essentiel et positif avec la non-philosophie : elle s’adresse directement à des non-philosophes ») ouvrant la philosophie à un ailleurs (dans une fidélité à la pensée de Canguilhem). Dès lors la question initiale sur la cuisine reprend sa pertinence et dessine un champ de problèmes qui convoquent des concepts. Lequel est le plus opératoire ?
Christophe AURIAULT